Le pari du baron Haussmann

Le Paris d'Haussmann, un vrai pari sur l'avenir

Notre agence se situe rue de Vienne dans le 8ème arrondissement de Paris, dont la très grande majorité des immeubles sont de style Haussmannien. Par ailleurs, nous travaillons très souvent pour rénover ou restructurer des appartements situés dans ces immeubles cossus et au style affirmé, soit pour des particuliers, soit pour des professionnels qui souhaitent y installer leurs bureaux...

Rue de Vienne - vue vers le square Marcel Pagnol et le Cercle des Armées dont le drapeau flotte au vent !

Hall et cage d'escalier d'un immeuble Haussmannien situé dans le XVIIème et dans lequel nous intervenons actuellement. Noter la protection installée sur les sols avant le démarrage des travaux !

Je souhaite aujourd'hui vous parler de ce style, de la manière dont Paris a été radicalement transformé sous le Second Empire.

A l'époque, certains y ont vu un renouveau bienvenu comme Emile de Labédolière dans le Nouveau Paris : "Paris a pris une physionomie toute nouvelle.... Les gothiques masures de nos pères sont tombées sous le marteaux des démolisseurs. Les vieilles rues étroites ont fait place à de larges artères qu'inonde le soleil."

D'autres ont été plus sceptiques comme Baudelaire : "Le vieux Paris n'est plus ; La forme d'une ville change plus vite, hélas, que le coeur d'un mortel".*

Le baron Haussmann par sa détermination et l'appui du pouvoir en place a en effet totalement transformé Paris et lui a donné un style architectural qui nous est aujourd’hui devenu familier.  Nous oublions à quel point le projet fut alors ambitieux et révolutionnaire pour l'époque.

Qui était le baron Haussmann ?

Georges Eugène Haussmann naît dans le quartier Beaujon à Paris en d'une famille protestante. Après des études de droit, il gravit les échelons jusqu'à devenir préfet de Gironde, où il s'illustre notamment dans les travaux d'amélioration de Bordeaux.

Napoléon III souhaite entreprendre de grands travaux de modernisation de Paris. En 1853, il nomme le baron Haussmann, un homme d'action rigoureux et organisé, préfet de la Seine. Les deux hommes s’apprécient. Ils se rencontrent régulièrement pour réaliser un projet d'envergure.

Modernisation de Paris

L’un des principaux enjeux du projet Haussmann est de moderniser l’infrastructure et le tissu urbain de Paris pour répondre aux besoins d’une population qui ne cesse de croître.

Une rénovation radicale de la capitale est alors entreprise, visant à transformer la capitale en une métropole moderne et fonctionnelle.

Ainsi la création de larges boulevards rectilignes bordés d’arbres et de places publiques permettent l’amélioration de la circulation. De nombreux monuments sont rénovés. Des parcs sont créés dont le parc Monceau ou le parc vallonné des Buttes-Chaumont avec sa grotte, ses cascades et son île surmontée d’un temple inspiré de la Grèce Antique. Il fait également rénover les gares et facilite leurs accès en les reliant par des axes importants.

La Gare Saint-Lazare dans le quartier de l'Europe.

Surpopulation, insalubrité, promiscuité, problèmes d’élimination des eaux usées, propagation des épidémies et maladies infectieuses, sont autant d’enjeux et de défis sanitaires.

Haussmann supervise la construction de réseaux d’égouts souterrains, fait construire des aqueducs et met en place des fontaines publiques fournissant l’accès à une eau propre et salubre, améliorant ainsi radicalement les conditions d’hygiène et la qualité de vie des parisiens.

En plus de ces infrastructures spécifiques, des quartiers entiers, insalubres et surpeuplés sont détruits. Des immeubles résidentiels modernes prennent leurs places. Ils profitent aux nouveaux industriels, aux bourgeois et aux classes moyennes. Les classes populaires doivent quitter les anciens faubourgs et partir vers ce qui deviendra la « banlieue ».

L'architecture des immeubles Haussmanniens

Le projet d'Haussmann permet de façonner un paysage urbain grandiose et élégant :

. Les immeubles sont en pierre de taille provenant des carrières françaises, matériau de construction durable et de haute qualité, qui contribue à l’aspect noble et pérenne de l’architecture.

. Les façades sont souvent richement décorées d’éléments architecturaux tels que les corniches, frontons et frises.

. Les fenêtres à petits carreaux et balcons en fer forgé ornés de motifs floraux ou géométriques complexes apportant de la légèreté à l’architecture des façades.

. Les immeubles haussmanniens ont généralement six à sept étages**, avec des appartements spacieux et hauts de plafond dans les étages inférieurs. Ils reflètent le goût de l’époque pour le confort et le luxe. Le règlement de 1859 permet de faire monter les façades jusqu'à 20 mètres de hauteur dans des rues de 20 mètres de largeur, alors que la hauteur maximale était de 17,55 mètres auparavant.

. Les cours intérieures permettent à la lumière naturelle de pénétrer les appartements.

. Les toits sont mansardés. Ils doivent s'inscrire sous une diagonale à 45 degrés. Des lucarnes permettent de maximiser l’espace habitable sous les combles, réservé aux personnels de maison.

Détails d'éléments décoratifs.

Les règles de composition précises des façades apportent une unité et une cohérence esthétique. Elles créent une impression d’ordre et d’harmonie visuelle (symétrie des éléments architecturaux de part et d’autre d’un axe central, fenêtres en alignement, hiérarchie des étages avec des balcons aux 2ème et 5ème étages, etc...).

Ces règles suivent un cahier des charges extrêmement précis afin d’homogénéiser le paysage qui ne laisse finalement qu'assez peu de place à la créativité des architectes.

Renforcement du pouvoir central

Le projet de Napoléon III, réalisé par le baron Haussmann fut aussi une entreprise politique visant à renforcer le pouvoir central et à affirmer le prestige de l’Empire en consolidant le contrôle politique et administratif sur la capitale. Eloigner le "petit peuple" permettait de faire de Paris une ville bourgeoise.

Quelques chiffres :

  • Environ 200 kilomètres de nouvelles avenues ont été créés.
  • Près de 20 000 bâtiments ont été démolis, 30 000 nouveaux bâtiments ont été construits.
  • Les travaux principaux ont duré 17 ans de 1853 à 1870.
  • Près de 350 000 personnes vivant dans les quartiers centraux de la ville ont été déplacées vers la périphérie, la plupart étant de classes populaires.
  • Les rues ont été élargies passant souvent de 10 mètres à 30 mètres de large.
  • Le projet Haussmann a touché environ 60% de la superficie totale de Paris, soit environ 1530 hectares.
  • Plus de 1830 hectares d’espaces verts  furent créés et réaménagés sous le Second Empire, soit près de 80% des espaces verts actuels de la capitale.
  • Le budget annuel de la France sous le Second Empire était d'environ 2 milliards de franc-or (entre 8 et 10 milliards d’euros). Les travaux réalisés sous l’égide d’Eugène Haussmann représentaient alors une année de ce budget.

(Nota : 1 franc-or vaudrait aujourd’hui entre 4 et 5 euros).

À Paris... et ailleurs

La renommée du style haussmannien s’est étendue bien au-delà des frontières de Paris et de la France.

Ce style architectural s’est progressivement diffusé dans les grandes capitales régionales comme Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux, Nantes, Lille - pour les plus marquantes - qui ont cherché à moderniser et embellir leur tissu urbain selon les mêmes principes, mais aussi dans certaines capitales étrangères comme à Buenos Aires où j'ai été étonnée lors d'un voyage en Argentine de retrouver une étonnante ressemblance avec ma ville natale !

Et après ?

Vers 1885, l'uniformité du style Haussmannien commencera à lasser. Des décrets seront adoptés pour modifier les gabarits, autoriser des saillies plus importantes, la construction de bow-windows légers... qui permettront aux architectes une plus grande inventivité !

*Grammaire des immeubles parisiens de Claude Mignot - Édition Parigramme
** Les premiers ascenseurs apparaissent aux Etats-Unis dans les années 1850. Ils fonctionnent à la vapeur, puis sous la pression de l'eau du réseau non potable (système hydraulique). Ce procédé se répand dans les années 1870/80 dans les immeubles parisiens.

© Flora Auvray - 2021